Ho chapitre 3

Le métro-S s’engouffrait comme un boulet dans le tunnel vitré, suspendu 450 mètres au dessus du district 786.

Un kaléidoscope noir et blanc passait en barres d’ombres et de lumières sur les sièges de la rame, comme dans un mauvais suiri.

La douille brûlante en éjection sembla suivre au ralenti une trajectoire parabolique alors que le troisième et dernier chargeur du H&K Special s’armait dans le même mouvement.

La journée avait de toute façon mal commencée.

Il contemplait en silence le corps de la fille étendu sur le lit du living-room. Le cadavre avait les yeux ouverts et la bouche tordue semblait hurler une dernière supplique. Irène Djanbala. Chen Escort.

Escort pour homme d’affaires pressé, cadre du Parti ou richissime rejeton d’une élite corrompue jusqu’à la moelle. Une pute restait une pute.

Ho observa un moment les traces sur le corps. Les bourreaux avaient utilisés une drogue puissante par le biais de ses neuro-prises, directement au cerveau. Ils devaient être pressés car l’injection trop massive avait entraîné l’overdose létale. Klim était un client régulier de Djanbala, comme l’attestaient les lignes de crédits qu’il avait remonté par sa database, et les tueurs cherchaient quelque chose, vu l’état de l’appartement.

Le privé s’avança près d’un piano perdu dans un coin. D’un geste absent il appuya sur les touches d’ivoire usées.

Les notes s’élevèrent lentement au dessus de la morte, tel un parent ou un proche attendant en silence qu’elle revienne d’un exil de carbone modifié.

Les particules et morceaux de tissu jaillissaient telles des éruptions de colère, avant de rejoindre le tapis d’éclats de verre polymérisé déjà parsemé de viande froide.

Ho surgit du n° 57, et cueille le tueur au moment où celui-ci vaporise le siège 49, trompé par la dernière accélération. La balle fait éclater la mâchoire dans un nuage de sang et d’os mais la neurodrogue est puissante et l’homme relève déjà la culasse du fusil quand la deuxième balle lui explose le cœur.

La troisième frappe à l’épaule un des caucasiens et Ho serre les dents sauvagement pendant qu’il loge les 3 suivantes dans le buffet du deuxième. L’homme s’écrase en arrière comme un pantin désarticulé.

(En compagnie de Staniak, il regarde d’un œil vide un cadavre dans une ruelle. Jing émerge des ruines d’une tour de Ridemno et il n’est pas surpris de le voir ici mais son visage ravagé le fait sursauter.)

Au moment d’atteindre la station, il en avait compté au moins 8, peut être 10. Les types convergeaient sur lui depuis les derniers 300 mètres et visiblement ils espéraient le coincer bientôt. Les mêmes qui avaient assassiné Irène Djanbala, et probablement Leto Klim, guettant celui qui leur trouverait ce qu’ils étaient venus chercher.

« - tu comptes faire quoi ? » lui dit Jing
« - leur faire payer ce qu’ils ont fait à la pute. »

Des enseignes en kanji et en katakana, véritables cauchemars pour épileptique, clignotaient et s'animaient pour des gens qui ne regardaient que le sol.

Jing renifle.

« - ouais et regarde comment elle a terminé cette conne. »
« - tu ne peux pas le savoir » dit Ho d’un ton absent. « Tu es mort des années avant ces événements. »

Le train plonge en stacchatto dans un tunnel et profitant de la confusion résultante, il bondit jusqu’à l’escalier.

Le neurachem Tycho lui fait pulser le sang à lui éclater les tempes, et il ressent le décalage temporel à plein régime. L’odeur métallique d’hémoglobine et les hurlements des civils rescapés réfugiés à l’avant du train lui martèlent la tête, mais l’avantage d’un modèle militaire comme le sien, c’est qu’il a 3 battements d’avance sur les tueurs, même des assassins sous Crystal Bleu.

Un silence fragile se fait à l’intérieur de la rame.

« - oh voyons, qui meurt encore aujourd’hui ? »

Le Mongol bondit en rugissant et abat sur lui un bras de la taille d’un jambon. Ho s’efface de sa trajectoire et se sert du Mongol comme couverture face aux armes des autres, de sales petites choses grises en métal, qui crachent et qui jappent. Il enfonce la paume de sa main dans le visage tordu. Les os craquent et Ho se déplace avec la rapidité du neurachem face aux autres qui semblent englués dans du miel. Un poing armé essaye de le suivre et d’un coup de pied il lui brise les doigts sur le métal. L’homme hurle pendant qu’il frappe à la tempe son collègue. Ils roulent au sol, l’un gémissant, l’autre mort ou inconscient.

Sans hésiter, Ho écrase le bouton d’alerte et déclenche l’ouverture d’urgence de la porte.

73….65…le corps soyeux d’une amante cristalline l’enveloppe et le berce.

Il a mal et crie alors que le neurachem reflue comme une vague.

42…40…le puits de gravité était une lente agonie alors que la ville grise hurlait à son approche.

Ho contemple la partition. Une pluie fine a fait son apparition. L’eau sillonne et trouve sa voie au travers des entrelacs des notes.

29 000 mètres. L’unité Tigre plonge en acquisition sur Ridemno martyrisé.

Do-Sol-Do-Ré mentent les nanopuces implantées.